L’Isère entretient une longue
histoire avec le papier…
Député de l’Isère, Rapporteur de la Mission d’information sur la filière du papier, Membre de la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire.
Comment et pourquoi êtes vous entrée en politique ?
J’ai été sensibilisée, jeune, à la vie politique… Mon grand-père ayant été Maire de la petite commune où j’ai grandi durant deux mandats. J’ai perçu, à travers cet engagement, la valeur d’une vie consacrée aux autres. J’ai trouvé dans le projet d’Emmanuel Macron l’opportunité de m’engager en politique, car il portait les valeurs qui me semblaient essentielles : bienveillance, pragmatisme, écoute, optimisme… Mon souhait est que ces mêmes valeurs me guident dans l’exercice de mon mandat de Député.
Pouvez-vous revenir sur la raison de la création d’une Mission d’information sur la filière du papier recyclé ?
La Mission d’information « recyclage papier » a été initiée à la suite de la fermeture du site UPM Chapelle Darblay, à Grand Couronne, en Normandie, seul site industriel en France à produire du papier journal 100% recyclé. Au-delà de l’enjeu évident sur l’emploi, cette fermeture doit nous interroger. Pourquoi cette filière connaît-elle des difficultés, alors que jamais les Français n’ont autant trié leur papier et alors qu’elle est au coeur d’une économie circulaire, largement plébiscitée ? Le sort de cette filière est-il lié à celui du carton ? Quels leviers permettraient de la valoriser ? Comment concilier son existence avec celle du papier vierge ? Autant de questions auxquelles la Mission entend apporter des réponses.
Les enjeux sont importants pour l’avenir qui est au coeur de l’effort pour une meilleure transition écologique et créateur d’emplois locaux non dé-localisables. Beau défi !
Question plus personnelle… est-ce la longue histoire de votre Département avec le papier, qui vous a motivée à être Rapporteur de cette Mission d’information ?
Cet héritage constitue l’une des raisons de mon engagement au sein de cette Mission. Vous avez raison de rappeler la longue histoire qu’entretient notre Département avec le papier. Il est vrai que l’industrie papetière iséroise a joué un rôle majeur dans le développement industriel de notre territoire au cours des XIXème et XXème siècles. Elle restera à jamais comme la première à s’être implantée en France.
Quels sont les chiffres en la matière ?
Sur ce sujet, plusieurs m’ont interpellée. La France collecte 7 millions de tonnes de déchets papiers- cartons, ce qui démontre que les Français trient beaucoup ! Mais, dans le même temps, par manque d’usines papetières, la France se retrouve avec un excédent annuel de 1,7 million de tonnes, qu’elle exporte en Europe. La matière est là… il reste donc à trouver les bons leviers pour les valoriser en France.
Quelle est la méthode de travail de la Mission et les perspectives de ses travaux ?
Nos travaux ont commencé depuis le mois de septembre. Ils comprennent des auditions et des déplacements, dont l’objectif est
d’interroger et d’échanger avec les acteurs du papier recyclé, du tri et de la collecte, les papetiers, les industriels, les syndicats… Le but : avoir un maximum d’informations, de points de vue, permettant d’aboutir à une connaissance forte du secteur et des enjeux. Ces travaux donneront lieu à l’écriture d’un rapport, au cours du premier semestre 2021, qui dressera un constat sur la problématique et des recommandations que nous souhaitons les plus concrètes possibles.
Faut-il, selon vous, re-localiser des usines de recyclage, après le spectaculaire scandale de l’usine du Bessé de l’ex Arjowiggins ?
Il est vrai que la situation de l’usine de Bessé-sur-Braye, qui fait d’ailleurs écho à la fermeture de l’usine UPM Chapelle Darblay, symbolise bien les difficultés rencontrées par la filière du papier recyclé en France. Après des mois d’incertitude, l’usine sarthoise a trouvé un repreneur canadien : Paper Mill Industries. La re-localisation d’usines de papier recyclé s’inscrirait pleinement dans la dynamique lancée par le Président de la République qui – pour remédier aux difficultés d’approvisionnement de plusieurs secteurs français mis en exergue par le confinement – a annoncé, le 28 août dernier, que 15 milliards d’euros seraient consacrés à l’innovation et la re-localisation industrielle, deux points majeurs inscrits dans le Plan de relance. La filière du papier recyclé pourrait y prendre sa part.
Vos réflexions doivent-elles permette au papier de participer à la sobriété numérique, nécessaire, comme l’a montré le récent Rapport de la Mission d’information sénatoriale, présidée par Hervé Maurey ?
Vous avez raison. L’usage inconsidéré du numérique pourrait avoir un impact environnemental significatif. Le rapport que vous citez dresse des pistes intéressantes quant à la nécessité de tendre vers plus de sobriété numérique. Il rappelle notamment que si aucune politique publique n’est déployée en la matière, le numérique pourrait atteindre près de 7% des émissions de gaz à effet de serre de la France, un niveau bien supérieur à celui actuellement émis par le transport aérien (4,7%). Fort de ce constat, l’usage du papier recyclé pourrait représenter une partie de la solution. Favoriser son usage permettrait de diminuer, de facto, l’usage du numérique. On le voit encore ici ! Le papier recyclé constitue une réelle opportunité.
Propos recueillis par Patricia de Figueiredo